1843

Constitution de la République Haïtienne (1843)

Constitution de la République Haïtienne[1]

Le peuple haïtien proclame, en présence de l’Etre Suprème, la présente Constitution, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques et son indépendance nationale.

Titre Ier

Du territoire de la République

Art. 1er. L’île d’Haïti et les îles adjacentes qui en dépendent forment le territoire-de la République.

Art. 2. Le territoire de la République est divisé en six départetements.

Ces départements sont:

Le Sud,

L’Ouest,

L’Artibonite,

L e Nord,

L e Cibao,

L’Ozama.

Leurs limites seront établies par la loi.

Art. 3. Chaque département est subdivisé en arrondissements, chaque arrondissement en communes.

Le nombre et les limites de ces subdivisions seront déterminés par la loi.

Art. 4. Les limités des départements, le nombre et les limites des arrondissements et des communes ne pourront être changés ou, rectifiés qu’en vertu d’une loi.

Art. 5. La république haïtienne est une et indivisible, essentiellement libre, souveraine et indépendante.

Son territoire est inviolable, et ne peut être aliéné par aucun traité.

Titre II

Des Haïtiens et de leurs droits

Section 1re

Des Haïtiens

Art. 6. Sont Haïtiens tous individus nés en Haïti et descendant d’africain ou d’indien, et tous ceux nés en pays étranger d’un haïtien ou d’une haïtienne; sont également Haïtiens tous ceux qui jusqu’à ce jour ont été reconnus en cette qualité.

Art. 7. Tout africain ou indien et leurs descendants sont habiles à devenir Haïtiens.

La loi règle les formalités de la naturalisation.

Art. 8. Aucun blanc ne pourra acquérir la qualité d’Haïtien ni le droit de posséder aucun immeuble en Haïti.

Section 2

Des droits civils et politiques

Art. 9. La réunion des droits civils et des droits politiques; constitue la, qualité de citoyen.

L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques.

Art. 10. L’exercice, des droits civils est réglé par la, loi.

Art. 11. Tout citoyen âgé de 21 ans exerce les droits politiques.

Néanmoins, les Haïtiens naturalisés ne sont admis â cet exercice qu’après une année de résidence, dans la république.

Art. 12. L’exercice des droits politiques, se perd

1.° Par la naturalisation acquise en pays étranger;

2.° Par l’abandon de la patrie au moment d’un danger imminent;

3.° Par l’acceptation, non autorisée, de fonctions publiques ou de pensions conférées par un gouvernement étranger;

4.° Par tous services rendus aux ennemis de la république ou par toutes transactions faites avec eux;

5.° Par la condamnation contradictoire et définitive â des peines perpétuelles â la fois afflictives et infamantes.

Art. 13. L’exercice des droits politiques est suspendu:

1.° Par l’état de domestique à gages;

2.° Par l’état de banqueroutier simple ou frauduleux;

3.° Par l’état d’interdiction judiciaire, d’accusation ou de contumax.

4.° Par suite de condamnations judiciaires emportant la suspension des droits civils;

5.° Par suite d’un jugement constatant le refus du service dans la garde nationale.

La suspension Gesse avec les causes qui y ont donné lieu.

Art. 14. L’exercice des droits politiques ne peut se perdre ni être suspendu que dans les cas exprimés aux articles précédents.

Art. 15. La loi règle les cas où l’on peut recouvrer les droits politiques, le mode et les conditions à remplir â cet effet.

Section 3

Du droit public

Art. 16. Les haïtiens sont égaux devant la loi. Ils sont tous également admissibles aux employs civils et militaires.

Art. 17. Il n’y a dans l’Etat aucune distinction d’ordres.

Art. 18. La liberté individuelle est garantie.

Chacun est libre d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, détenu ou exilé que dans les cas prévus par la loi, et selon les formes qu’elle prescrit.

Art. 19. Pour que l’acte qui ordonne l’arrestation d’une personne puisse être exécuté, il faut

1.° qu’il exprime formellement le motif de l’arrestation et la loi en exécution de laquelle elle est ordonnée;

2.° qu’il émane d’un fonctionnaire à qui la loi ait donné formellement ce pouvoir;

3.° qu’il soit notifié à la personne arrêtée, et qu’il lui en soit laissé copie.

Toute, arrestation faite hors des cas prévus par la loi et sans les formes qu’elle prescrit, toutes violences ou rigueurs employées dans l’exécution d’un mandat, sont des actes arbitraires auxquels chacun a le droit de résister.

Art. 20. Nul ne peut être distrait des juges que la constitution ou, la loi lui assigne.

Art. 21. La maison de toute personne habitant le territoire haïtien est un asile inviolable.

Aucune visite domiciliaire, aucune saisie de papiers ne peut avoir lieu qu’en vertu de la loi et dans la forme qu’elle prescrit.

Art. 22. Aucune loi ne peut, avoir d’effet rétroactif.

La loi rétroagit toutes les fois qu’elle ravit des droits acquis.

Art. 23. Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Art. 24. La propriété est inviolable et sacrée.

Les concessions et ventes faites par l’Etat demeurent irrévocables.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 25. La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Art. 26. La peine de mort sera restreinte â certains cas déterminés par la loi.

Art. 27. Chacun a le droit d’exprimer ses opinions en toute matière, d’écrire, d’imprimer et de publier ses pensées.

Ce droit ne peut être restreint par aucune loi; préventive ni fiscale,

Les abus de l’usage de ce droit sont définis et réprimés par la loi, sans qu’il, i puisse être porté atteinte à la liberté de la presse.

Art. 28. Tous les cultes sont également libres. chacun a le droit de professer sa religion et d’exercer librement son culte, pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre publie.

Art. 29. L’établissement d’une église ou d’un temple et l’exercice public d’un culte peuvent être réglés par la loi.

Art. 30. Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos

Art. 31. L’enseignement est libre, et des écoles sont distribuées graduellement, à raison de la population.

Chaque commune a des écoles primaires de l’un et de l’autre sexe, gratuites, et communes à tous les citoyens.

Les villes principales ont, en outre, des écoles supérieures où sont enseignés les éléments des sciences, des belles-lettres et des beaux-arts. Les langues usitées dans le pays, sont enseignées dans ces écoles.

Art. 32. Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse.

Sa décision n’est soumise à aucun recours.

Elle ne peut être formée contre l’accusé qu’aux deux tiers des voix.

Art. 33. Les Haïtiens ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, même pour s’occuper d’objets politiques, en se conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.

Cette disposition ne s’applique point aux rassemblements dans les lieux publics, lesquels restent entièrement soumis aux lois de police.

Art. 34. Les Haïtiens ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.

Art. 35. Le droit dé pétition est exerce personnellement par un ou plusieurs individus, jamais au nom d’un corps.

Les pétitions peuvent être adressées soit au Pouvoir Exécutif, soit au Pouvoir Législatif.

Art. 36. Le secret des lettres est inviolable.

La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.

Art. 37. L’emploi des langues usitées en Haïti est facultatif; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’autorité publique et pour les affaires judiciaires.

Art. 38. Des établissements de secours publics et dès maisons pénitentiaires seront créés et organisés dans les principales villes de la République.

Art. 39. Nulle autorisation préalable n’est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour fait de leur administration, sauf ce qui est statué à l’égard des secrétaires d’état.

Art. 40.La loi ne peut ajouter ni déroger à la constitution.

La lettre de la constitution, doit toujours prévaloir.

Art. 41. Tout principe du droit public, quoique non consacré, est préexistant aux pouvoirs délégués par la présente constitution.

Toute délégation de pouvoirs est restreinte dans ses termes.

Titre III

De la souveraineté et de l’exercice des pouvoirs qui en dérivent

Art. 42. La souveraineté nationale réside dans l’universalité des citoyens.

Art. 43. L’exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs électifs et temporaires.

Ces trois pouvoirs sont: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Art. 44. Ces trois pouvoirs forment le gouvernement de la République, lequel est essentiellement civil et représentatif.

Art. 45. Chaque pouvoir s’exerce séparément, — Chacun d’eux est indépendant des deux autres dans ses attributions. — Aucun d’eux ne peut les déléguer, ni sortir des limites qui lui; sont fixées. — La responsabilité est attachée à chacun des actes des trois pouvoirs.

Art. 46. Le pouvoir Législatif est exercé par deux Chambrés représentatives: une Chambre des communes et un Sénat.

Art. 47. Les deux Chambres se réunissent en Assemblée Nationale, dans les cas prévus parla constitution.

Les pouvoirs de l’Assemblée Nationale sont limités, et ne peuvent s’étendre! â d’autres objets que ceux qui lui sont spécialement attribués par la constitution.

Art. 48. Le pouvoir exécutif est délégué à un citoyen qui prend: le titre de président de la république haïtienne, et ne peut recevoir aucune autre qualification.

Art. 49. Les intérêts qui touchent exclusivement les communes et les arrondissements sont réglés par des comités municipaux et des conseils d’arrondissement.

Art. 50. Le pouvoir judiciaire est exercé par un tribunal de cassation, des tribunaux d’appel, des tribunaux de première instance et des tribunaux de paix.

Chapitre 1er

Du pouvoir législatif

Section 1re

De la chambre des communes

Art. 51. La Chambre des communes se Compose de représentants du peuple, dont le nombre sera fixé par la loi, à raison de la population des communes.

Chaque commune aura au moins un représentant.

Art. 52. Jusqu’à ce que l’état de la population soit établi, et que la loi ait fixé le nombre des représentants du peuple, ce nombre est réglé ainsi qu’il suit:

Quatre pour le Port-Républicain; trois, pour chacune-ides villes des Cayes, des Gonaïves, du Cap-Haïtien, de St. Yague, et de Santo-Domingo; deux pour chacune des communes de Jérémie et de Jacmel, et un pour chacune des autres communes.

Art. 53. Les représentants dû peuple sont élus directement par les assemblées primaires de chaque commune, suivant le mode établi par la loi.

Art. 54. Pour être élu représentant du peuple, il faut:

1.° Etre âgé de 25 ans accomplis;

2.° Jouir des droits civils et politiques;

3.° Etre propriétaire d’immeubles en Haïti;

4.° Etre domicilié dans la commune.

Art. 55. L’haïtien naturalisé devra, en outre des conditions prescrites par: l’article précédent, justifier d’une résidence de deux années dans la République, pour être élu représentant du peuple.

Art. 56. Les représentants du peuple sont élus pour trois ans.

Leur renouvellement se fait intégralement. Ils sont indéfiniment, rééligibles.

Art. 57. En cas de mort, démission ou déchéance d’un représentant du peuple, l’assemblée primaire pourvoit à son remplacement pour le temps seulement qui reste à courir.

Art. 58. Pendant la durée de la session législative, chaque représentant du peuple reçoit du trésor public une indemnité de 200 gourdes par mois.

Il lui est, en outre, alloué une gourde par lieue pour frais de route.

Section 2

Du sénat

Art. 59. Le Sénat se compose de trente-six représentants du peuple, à raison de six par chaque département.

Art. 60. Les sénateurs sont élus, savoir:

1.° Pour le département du sud, quatre par l’assemblée électorale des Cayes, et deux par celle de Jêrémie;

2.° Pour lé département de l’ouest, quatre par l’assemblée électorale du Port Républicain et deux par celle de Jacmel;

3.° Pour le département de l’Artibonite, six par l’assemblée électorale des Gonaïves ;

4.° Pour le département du nord, six par l’assemblée électorale du Cap-Haïtien;

5.° Pour le département de Cibao, six par l’assemblée, électorale de St.-Yague;

6.° Pour le département de l’Ozama, six par l’assemblée électorale de Santo-Domingo.

Art. 61. Pour être élu sénateur, il faut:

1.° Etre âgé de 30 ans accomplis;

2.° Jouir des. droits civils et politiques;

3.° Etre propriétaire d’immeubles en Haïti;

4.° Etre domicilié dans l’arrondissement électoral.

Art. 62. L’Haïtien naturalisé devra, en outre des conditions prescrites par l’article précédent, justifier d’une résidence de quatre années dans la République, pour être élu sénateur.

Art. 63. Les sénateurs sont élus pour six ans.

Leur renouvellement se fait par tiers tous les deux ans. En conséquence, ils se divisent par la voie du sort, en trois séries; chaque série se compose de, douze sénateurs, à raison de deux par département.

Pour la première fois, ceux de la première série sortiront après deux ans, ceux de la seconde après quatre ans, et ceux de la troisième après six ans; de sorte qu’à chaque période de deux ans, deux, sénateurs seront élus par département.

Art. 64. Les sénateurs sont indéfiniment rééligibles.

Art. 65. En cas de mort, démission, ou déchéance d’un Sénateur, il est pourvu à son remplacement pour le temps seulement qui reste à courir.

Art. 66. Le Sénat ne peut s’assembler hors du temps de la session du Corps Législatif, sauf les cas prévus par les articles 123 et 163.

Art. 67. Chaque sénateur reçoit du trésor public une indemnité de 300 gourdes par mois, durant la session seulement.

Il lui est, en outre, alloué une gourde par lieue pour frais de route.

Section 3

Dé l’assemblée nationale

Art. 68. A l’ouverture de chaque session annuelle la Chambre des communes et le Sénat se réunissent en Assemblée Nationale.

Art. 69. Le président du Sénat préside l’assemblée Nationale: le président de la Chambre de communes est le vice-président, les secrétaire, du Sénat et de la Chambre des communes son les secrétaires de l’Assemblée Nationale.

Art. 70. Les attributions de l’Assemblée Nationale sont:

1.° De proclamer le Président de la République, soit par suite du scrutin électoral, soit après le ballotage en cas de non majorité absolue des votes;

2.° de déclarer la guerre sur le rapport du pouvoir exécutif, de régler les représailles, et de statuer sur tous les cas relatifs à la guerre;

3.° D’approuver ou rejeter les traités de paix, d’alliance, de neutralité, de commerce et au1res conventions internationales consentis par le pouvoir exécutif;

Aucun traité n’aura d’effet que par la sanction de l’Assemblée Nationale;

4.° D’autoriser le pouvoir exécutif à contracter tous emprunts sur le crédit de la République;

5.° De permettre ou de défendre, l’entrée des forces navales étrangères dans les ports de la République;

6.° D’accorder toute amnistie; de statuer sur les recours en grâce ou en commutation de peines, sur la recommandation des juges ou du pouvoir exécutif;

Dans ce cas, l’exécution du jugement de condamnation demeure suspendue;

7.° D’autoriser l’établissement d’une banque nationale;

8.° De, changer le lieu fixé pour la capitale de la République;

  1. ° De réviser la Constitution, lorsque le pouvoir législatif a déclaré qu’il y avait lieu de le faire

Section 4

De l’exercice du pouvoir législatif

Art. 71. Le siège du Corps législatif est fixé dans la capitale de la République.

Chaque Chambre à son local particulier, sauf les cas de la réunion des deux Chambres en Assemblée Nationale.

Art. 72. Le Corps Législatif s’assemble de plein droit chaque année, le premier lundi d’avril.

Sa session est de trois mois. En cas de nécessité, elle peut-être prolongée jusqu’à quatre, soit par le Corps Législatif, soit par le pouvoir exécutif.

Le corps législatif ne peut jamais être dissous ni prorogé.

Art. 73. Dans l’intervalle des sessions, et, en cas d’urgence, le pouvoir exécutif peut convoquer les chambres ou l’assemblée, nationale à l’extraordinaire.

Il leur rend compte alors de cette mesure, par un message.

Art. 74. En pas de vacance de l’office du Président de la République, l’assemblée nationale est tenue de se réunir dans les vingt jours, an plus tard.

Art. 75. Les membres du corps législatif représentent la nation entière.

Art. 76. chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres, et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet.

Art. 77. Les membres de chaque chambre prêtent individuellement le serment de maintenir les droits du peuple, et d’être fidèles à la constitution.

Art. 78. Les séances des Chambres et de l’Assemblée Nationale sont publiques. Néanmoins chaque Assemblée se forme en comité secret, sur la demande de cinq membres.

L’Assemblée décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

Art. 79. On ne peut être à la fois membre des deux chambres.

Art. 80. Les fonctions de Représentant et de sénateur sont incompatibles avec les fonctions salariées par l’Etat ou à la nomination du pouvoir exécutif.

Les membres du Corps Législatif ne peuvent, durant la législature, accepter aucune fonction salariée à la nomination du Pouvoir Exécutif, même en renonçant à leur mandat.

Art. 81. Le pouvoir législatif fait des lois sur tous les ‘objets d’intérêt public.

L’initiative appartient à chacune des deux chambres et au pouvoir exécutif.

Néanmoins, le pouvoir exécutif ne. peut proposer aucune loi relative aux recettes et aux, dépenses de l’état, au contingent et à l’organisation de l’armée de terre et de mer, à la garde nationale, aux élections, et à la responsabilité dés Secrétaires d’état et autres agents du pouvoir exécutif.

Toute loi sur ces objets doit d’abord être votée par la Chambre des communes.

Art. 82. L’interprétation des lois par voie d’autorité n’appartient qu’au Pouvoir Législatif.

Elle est donnée dans la forme d’une loi.

Art. 83. Aucune dés deux Chambres ne peut prendre de résolution, qu’autant que les deux tiers de ses membres se trouvent réunis.

Art. 84. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf les cas prévus par la Constitution.

Art. 85. Les votes sont émis par assis et levé, et par la voie du scrutin secret, si trois membres de l’assemblée le réclament.

L’ensemble des lois est toujours voté au scrutin secret.

Art. 86. Chaque chambre a le droit d’enquête sur tous les objets à elle attribués.

Art. 87. Tout projet de loi est soumis à trois lectures, à moins que la chambre ne déclare qu’il y a urgence.

Il y aura, entre chaque lecture, un intervalle d’un jour au moins.

Art. 88. Un projet de loi ne peut être adopté par l’une des chambres, qu’après avoir été voté article par article.

Art. 89. Chaque chambre a le droit d’amender et de diviser les articles et amendements proposés.

Tout amendement fait par une chambre, doit être adopté par l’autre.

Art. 90. Toute loi admise par les deux chambres, est immédiatement adressée au pouvoir exécutif, qui, avant de la promulguer, a le droit d’y faire des objections.

Dans ce cas, il renvoi la loi à la chambre où elle a eté primitivement votée. Avec ces objections.

Si elles sont rejetées, la loi est de nouveau adressée au pouvoir exécutif, pour être promulguée.

L’admission des objections et les amendements auxquels elles peuvent donner lieu, sont votés aux deux tiers des voix, et au scrutin secret.

Art. 91. Néanmoins, le pouvoir exécutif ne peut faire aucune objection sur les lois dont l’initiative appartient exclusivement aux deux chambres.

Ces lois sont promulguées immédiatement.

Art. 92. Le droit d’objection doit être exercé dans les délais suivants, savoir:

1.° Dans les deux jours, pour les lois d’urgence, sans qu’en aucun cas, l’objection puisse porter sur l’urgence;

2.° Dans les huit jours, pour les autres lois, le dimanche excepté.

Toutefois, si la session est close avant l’expiration de ce dernier délai, la loi demeure ajournée.

Art. 93. Si, dans les délais prescrits par l’article précédent, le pouvoir exécutif ne fait aucune objection, la loi est immédiatement promulguée.

Art. 94. Un projet de loi, rejeté par l’une des chambres, ne peut être reproduit dans la même session.

Art. 95. Les lois sont rendues officielles par la voie d’un bulletin imprimé et numéroté, ayant pour titre Bulletin des lois.

Art. 96. La loi prend date du jour qu’elle a été définitivement adoptée par les deux chambres.

Art. 97. Nul ne peut présenter en personne des pétitions aux chambres.

Chaque chambre a le droit de renvoyer aux secrétaires d’état, les pétitions qui lui sont adressées. Les secrétaires d’état sont tenus de sonner des explications sur leur contenu, chaque fois que la chambre l’exige.

Art. 98. Les membres du corps législatif sont inviolables, du jour de leur élection jusqu’à l’expiration de leur mandat.

Ils ne peuvent être exclus de la chambre dont ils font partie, ni être, en aucun temps, poursuivis et attaqués pour les opinions et votes émis par eux, soit dans l’exercice de leurs fonctions, soit à l’occasion de cet exercice.

Art. 99. Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre du corps législatif, pendant la durée de son mandat.

Art. 100. Nul membre du corps législatif ne peut être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, correctionnelle ou de police, durant son mandat, qu’après l’autorisation de la chambre à laquelle il appartient, sauf le cas de flagrant délit.

S’il est saisi, en flagrant délit, il en est référé à la chambre sans délai.

Art. 101. En matière criminelle, tout membre du corps Législatif est mis en état d’accusation par la Chambre dont il fait partie, et jugé par le tribunal criminel de son domicile, avec l’assis tance du jury.

Art. 102. Chaque chambre, par son règlement, fixé sa discipline, et détermine le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Art. 103. Aucun corps de troupe ne peut, pendant la session législative, séjourner dans un rayon de quinze lieues du siège du corps législatif, si ce n’est sur sa réquisition ou avec son consentement.

Chapitre II

Du pouvoir exécutif

Section 1re

Du président de la République

Art. 104. Le Président de la République est élu pour quatre ans.

Il entre en fonction le 15 mai.

Art. 105. L’élection du président est faite d’après le mode suivant:

Chaque assemblée électorale désignée en l’article 60, élit deux candidats dont l’un est pris dans l’arrondissement électoral, et l’autre dans toute l’étendue de la République.

Les procès-verbaux d’élection sont adressés, clos et cachetés, au président de l’assemblée nationale.

L’assemblée nationale en fait. l’ouverture sans délai, et constate en séance publique, le nombre des votes émis pour chaque candidat.

Si l’un des candidats réunit la majorité absolue des votes, il est proclamé président de la république haïtienne.

Si aucun d’eux n’obtient cette majorité, les trois candidats qui ont le plus de suffrages, sont ballotés au scrutin secret.

S’il y a égalité de suffrages, le ballotage a lieu entre les candidats qui ont obtenu le même nombre de votes.

Si le ballotage ne donne pas la majorité absolue; il est procédé â un nouveau ballotage entre les deux candidas qui ont le plus de voix.

En cas d’égalité de suffrages entre les deux candidats le sort décide de l’élection.

Art.106. Pour être élu président, il faut avoir atteint l’âge de 35 ans.

L’haïtien né en pays étranger ou naturalisé, doit, en outre, justifier d’une résidence de dix années dans la République.

Art. 107. Nul ne peut être réélu président qu’après un intervalle de quatre ans.

Art. 108. En cas de mort, démission ou déchéance du président, celui qui le remplace est nommé pour 4 ans, et ses fonctions cessent toujours le 15 de mai, alors même1 que la quatrième année de son exercice ne serait point révolue.

Pendant la vacance, le pouvoir exécutif est exercé par les secrétaires d’état, réunis en conseil, et sous leur responsabilité.

Art. 109. Si le président se trouve i dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, le conseil des secrétaires d’État est chargé de l’autorité exécutive; tant que dure l’empêchement.

Art. 110. Avant d’entrer en fonctions, le président prête devant l’assemblée nationale le serment suivant:

“Je jure d’observer la constitution, et les lois da peuple haïtien, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire.”

Art. 111. Le président fait sceller les lois du sceau de la République, et les fait promulguer immédiatement après leur réception, aux termes des articles 90, 91, 92 et 93.

Il fait également sceller et promulguer les actes et décrets de l’assemblée nationale.

Art. 112. Il est chargé de faire exécuter les lois, actes et décrets du corps législatif et de l’assemblée nationale.

Il fait tous règlements et arrêtés nécessaires à cet effet, sans pouvoir jamais suspendre ni interpréter les lois, actes et décrets eux-mêmes, ni se dispenser de leur exécution.

Art. 113. Le président nomme et révoque les secrétaires d’état.

Art. 114. Il confère les grades dans l’armée conformément à la loi.

Art. 115. Il commande les forées de terre et de mer; mais il ne peut les commander en personne qu’avec l’autorisation de l’assemblée, nationale.

Art. 116. Il nomme aux emplois d’administration générale et de relation extérieure, aux coalitions établies par, la loi.

Il ne nomme à d’autres emplois ou fonctions publiques, qu’en vertu de la constitution ou de la disposition expresse d’une loi et aux conditions qu’elle prescrit.

Art. 117. Il fait les traités de paix, d’alliance, de neutralité, de commercé et autres conventions internationales, sauf la sanction de l’assemblée nationale.

Art. 118. Toutes les mesures que prend le président sont préalablement délibérées en conseils des secrétaires d’Etat.

Art. 119. Aucun acte du président ne peut avoir d’effet, s’il n’est contre-singné par un secrétaire d’état qui, par cela seul, sen rend responsable avec lui.

Art. 120. Le Président est responsable de tous les abus d’autorité et excès de pouvoir qui se commettent dans son administration.

Art. 121. Il n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution.

Art. 122. A l’ouverture de chaque session, le président, par un message, rend compte a l’assemblée nationale de son administration pendant l’année expirée, et présente la situation générale de la République, tant â l’intérieur qu’à l’extérieur.

Art. 123. La chambre des communes a le droit d’accuser le président et de le traduire devant le sénat, en cas de malversation, de trahison ou de tout autre crime commis dans l’exercice de ses fonctions.

Le Sénat ne peut prononcer d’autres peines que celles de la déchéance et dé la privation du droit d’exercer toute autre fonction publique pendant un an au moins, ou cinq ans au plus.

S’il y a lieu à appliquer d’autres peines et à statuer sur l’exercice de l’action civile, il y sera procédé devant les tribunaux ordinaires, soit sur l’accusation admise par la chambre des communes, soit sur la poursuite des parties lésées.

La mise en accusation et la déclaration de culpabilité ne pourront être prononcées, respectivement dans chaque chambre, qu’à la majorité des deux tiers des suffrages.

Art. 124. La loi règle le mode de procéder contre le président, dans les cas de crimes ou délits par lui commis, soit dans l’exercice de ses fonctions, soit hors de cet exercice.

Art. 125. Le président ne peut avoir de garde particulière.

Art. 126. Il reçoit du trésor public un traitement de $ 24,000 par an.

Ses frais de tournée sont réglés par la loi.

Art. 127. Il réside au palais national, de la capitale.

Section 2

Des secrétaires d’état

Art. 128. Il y a quatre secrétaires d’état dont les départements sont:

1.° L’intérieur et l’agriculture;

2.° La justice, l’instruction publique et les cultes;

3.° Les finances et le commerce;

4.° Les relations extérieures, la guerre et la marine.

Néanmoins la loi peut r partir autrement les attributions, de ces départements.

Art. 129. Nul ne peut être secrétaire d’état s’il n’est âge de trente ans accomplis.

Art. 130. Les secrétaires d’état se forment en conseil sous la. présidence du président de la République ou de l’un d’eux délégué par le président.

Toutes les délibérations sont consignées sur un registre et signées par les membres s du conseil.

Art. 131. Les secrétaires d’état correspondent immédiatement avec les autorités qui leur sont subordonnées.

Art. 132. Ils ont leur entrée dans chacune des chambres, pour soutenir les projets de lois et les objections du pouvoir-exécutif.

Les chambres peuvent requérir la présence des secrétaires d’état, et les interpeller sur tous les faits de leur administration.

Art. 133. Les secrétaires d’état sont respectivement responsables, tant des actes du président qu’ils contresignent, que de ceux de leur département, ainsi que de l’inexécution des lois.

En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du président ne peut soustraire un secrétaire d’état à la responsabilité.

Art. 134. La chambre des communes a le droit d’accuser les secrétaires d’état; et de les traduire devant le tribunal de cassation, qui seul a droit de les juger, sections réunies; sauf ce qui sera statué par la loi, quant à l’exercice de l’action civile par la parte lésée et aux crimes et délits que les secrétaires d’état auraient commis hors de l’exercice de leurs fonctions.

Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger aux secrétaires d’état, et le mode de procéder contre eux, soit, sur l’accusation admise par la chambre des communes, soit sur la poursuite des parties lésées.

Art. 135. Chaque secr taire d’état jouit d’un traitement annuel de 5,000 gourdes.

Section 3

Des Institutions d’arrondissements et communales

Art. 136. Chaque arrondissement a pour chef d’administration, un préfet; chaque commune, un maire.

Les attributions de ces fonctionnaires sont à la fois civiles et financières.

Art. 137. Le président de la République nomme et révoque les préfets.

Les maires sont élus par les assemblées primaires.

Art. 138. Il est établi, savoir:

Un conseil par chaque arrondissement :

Un comité municipal par chaque commune.

Chaque conseil ou comite est présidé par le chef d’administration, avec voix délibérative.

Art. 139. Ces institutions sont réglées par la loi.

La loi consacre l’application des principes suivants:

1.° L’élection directe, tous les deux ans, pour les comites municipaux;

2.° Là délégation des membres des comites municipaux’, pour former les conseils d’arrondissement;

3.° L’attribution aux comites et conseils de tout ce qui est d’intérêt communal et d’arrondissement; sans préjudice de l’approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine;

4.° La publicité des séances des comites et des conseils dans les limites établies par la loi;

5.° La publicité des budgets et des comptes;

6.° L’intervention du président de la République ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les comites et les conseils ne sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général.

Art. 140. La rédaction des actes de l’état civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales.

Art. 141. Les préfets sont salaries par l’état.

Les maires sont rétribués par leurs communes;

Chapitre III

Du pouvoir judiciaire

Art. 142. Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont, exclusivement du ressort des tribunaux.

Art. 143. Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les. exceptions établies par la loi.

Art. 144. Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu’en vertu d’une loi.

Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit.

Art. 145. Il y a pour toute la République un tribunal de cassation, compose de deux sections au moins.

Son siége est dans la capitale.

Art. 146. Ce tribunal ne connaît pas du fond des affaires.

Art. 147. Néanmoins en toute matière autre que celles soumises au jury, lorsque sur un second recours, une même affaire se présentera entre les mêmes parties, le tribunal de cassation, en admettant le pourvoi, ne prononcera point de renvoi, et statuera sur le fond, sections réunies.

Art. 148. Chaque commune a un tribunal de paix.

Un tribunal de première instance est institue pour un ou plusieurs arrondissements. La loi détermine son ressort et le lieu ou il est établi.

Il y a un tribunal d’appel pour chaque département; son siége est au chef-lieu.

Art. 149. Les juges sont lus savoir:

Pour les tribunaux de paix, par les assemblées primaires;

Pour les tribunaux dé première instance et d’appel, par les assemblées électorales de leur ressort respectif.

Pour le tribunal de cassation, par le sénat, sur la présentation d’une liste simple de candidats par chacune des assemblées électorales du ressort des tribunaux d’appel.

Art. 150. Les juges de paix sont élus pour trois ans, ceux des, autres tribunaux pour neuf ans.

Ils sont: indéfiniment rééligibles. Aucun juge, pendant la durée de ses fonctions, ne peut- être destitué ni Suspendu que par un jugement.

Art. 151. En cas de mort, démission ou de destitution d’un juge, l’assemblée électorale pourvoit à son remplacement pour le temps seulement qu reste â courir.

Art. 152. Nul ne peut être élu juge, s’il n’a 30 ans accomplis; pour te tribunal de cassation, et 25 ans accomplis, pour les autres tribunaux.

Art. 153. Le président de la République nomme et révoque les officiers du ministère public près les tribunaux de première instance, d’appel et de cassation.

Art. 154. Les fonctions de juge sont incompatibles avec les fonctions salariées par l’état et à la nomination du Pouvoir Exécutif.

L’incompatibilité à raison de La parenté est réglée par la loi.

Art. 155. Le traitement des membres du corps judiciaire est fixé par la loi.

Art. 156. Il y a des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, les attributions, le mode d’élection de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

Art. 157. Des lois particulières règlent l’organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions.

Tout délit civil commis par un militaire, à moins qu’il ne soit dans un camp ou en campagne, est jugé par les tribunaux criminels ordinaires.

II en est de même de toute accusation contre un militaire dans laquelle un individu non militaire est compris.

Art. 158. Les audiences dés tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public et les bonnes mœurs. Dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

En matière de délits politiques et de presse, le huis-clos ne peut être prononcé.

Art. 159. Tout arrêt ou jugement est motive. Il est prononcé ta audience publique.

Art. 160. Les arrêtes et jugements sont exécutés au nom de la République. Ils portent un mandement aux officiers, du ministère public et aux agents de la force publique.

Les actes des notaires sont mis dans la même forme, lorsqu’il s’agit de leur exécution, forcée,

Art. 161. Le tribunal de cassation prononce sur les, conflits d’attributions, d’après le mode réglé par la loi. Il connaît aussi, des jugements des conseils militaires pour cause d’incompétence.

Art. 162. Les tribunaux doivent refuser d’appliquer une loi inconstitutionnelle.

Ils n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux d’administration publique, qu’autant qu’ils seront conformes aux, lois.

Art. 163. En cas de forfaiture, tout juge ou officier du ministère public est mis en état d’accusation, par l’une des sections du tribunal de cassation.

S’il s’agit d’un, tribunal entier, la mise en accusation est prononcée par le tribunal de cassation, sections réunies.

S’il s’agit’ du tribunal de cassation, d’une de ses sections ou de. l’un de ses membres, la mise en accusation est prononcée par la chambre des communes, et le jugement par le sénat. La décision de chacune des chambres est prise à la majorité des deux tiers des membres présents, et la peine à prononcer par le sénat ne peut être que la révocation des fonctions et l’inadmissibilité, pendant un certain temps, à toutes les charges, publiques; mais le condamné est renvoyé, s’il y a lieu, par-devant les tribunaux ordinaires et puni conformément aux lois.

La loi règle le mode de procéder contre les juges, dans les cas de crimes ou délits par eux commis, soit dans l’exercice de leurs fonctions, soit hors de cet exercice.

Chapitre IV

Des assemblées primaires et électorales

Art. 164. Tout citoyen, âgé de 21 ans, a le droit de voter aux assemblées primaires et électorales, s’il est propriétaire foncier, s’il a l’exploitation d’une ferme dont la durée n’est pas moindre de neuf ans, ou s’il exerce une profession, un emploi ou une industrie quelconque.

Art. 165. Les assemblées primaires s’assemblent de plein droit, dans chaque commune, le dix janvier de chaque année, selon qu’il y a lieu, et suivant le mode établi par la loi.

Art. 166. Elles ont pour objet:

1.° D’élire les représentants du peuple, les juges de paix, les maires et conseillers municipaux, aux époques fixées par la Constitution:

2.° De nommer les électeurs.

Art. 167. Le nombre des électeurs de chaque commune est triple de celui des représentants du peuple.

Art. 168. Les assemblées électorales se réunissent de plein droit, le quinze février de chaque année, selon qu’il y a lieu, et suivant le mode établi par la loi.

Art. 169. Elles ont pour objet:

1.° D’élire les sénateurs et les candidats à la présidence, dans les villes désignées en l’art 60:

2.° D’élire les candidats au tribunaux de cessation et les juges aux tribunaux d’appel, au chef-lieu de chaque département;

3.° D’élire les juges aux tribunaux de première instance, au siége de chaque ressort;

4.° De pourvoir au remplacement de ces fonctionnaires, dans lès cas prévus par la Constitution.

Art. 170. Toutes les élections se font à la majorité absolue des suffrages et au, scrutin secret.

Art. 171. Aucune élection ne peut avoir lieu, dans une assemblée électorale, qu’autant que les deux tiers, au moins, du nombre des électeurs sont présents.

Art. 172. Hors le cas de remplacement par mort, démission, déchéance ou destitution, les élections ne peuvent être faites qu’à l’expiration d l’année qui termine la période du renouvellement des fonctionnaires.

Art. 173. Les assemblées primaires et électorales ne peuvent s’occuper d’aucun autre objet que de celui des élections qui leur sont respectivement attribuées par la Constitution.

Elles sont tenue de se dissoudre dès que cet objet est rempli.

Titre IV

Des finances

Art. 174. Aucun impôt au profit de l’état ne peut être établi quel par une loi.

Aucune charge, aucune imposition, soit d’arrondissement, soit communale, ne peut être établie que du consentement respectif du conseil d’arrondissement ou du comite municipal de la commune.

La loi détermine les exceptions, dont l’expérience démontrera, la nécessité, relativement: aux impositions d’arrondissement et communales.

Art. 175. Les impôts au profit de l’état sont votés annuellement.

Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont pas renouvelées.

Art. 176. Il ne peut être établi de privilèges en matière d’impôts.

Nulle exception ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi.

Art. 177. Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens, qu’à titré d’impôt au profit de l’état, de l’arrondissement ou de la commune.

Art. 178. Aucune pension, aucune gratification à la charge du trésor public ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi.

Art. 179. Le budget de chaque secrétaire d’état est divise en chapitres: aucune somme allouée pour un chapitre, ne peut être reportée au crédit d’un autre chapitre, et employée a d’autres dépenses sans une loi.

Art. 180. Chaque année, les chambres arrêtent:

1.° le compte des recettes et dépenses de l’année ou des années précédentes, avec distinction de chaque département;

2.° le budget général de l’état, contenant l’aperçu des recettes, et la proposition des fond assignes pour l’année a chaque secrétairerie d’état.

Art. 181. La chambre des comptes est composée de cinq membres. ils sont nommes par le président de la; république et révocables a sa volonté.

Art. 182. La chambre; des. comptes est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’administration, générale et de tous comptables envers, le trésor public. Elle veille a ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé, et qu’aucun transfert n’ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l’état, et est chargée de recueillir, a cet effet, tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’état est. soumis aux chambres avec les observations de la chambre des comptes.

Cette chambre est organisée par une loi.

Art. 183. La loi règle le titre, le poids, la valeur, l’empreinte et la dénomination des monnaies.

L’effigie ne peut être que celle de la République.

Titre V

De la force publique

Art. 184. La force publique est instituée pour défendre l’Etat contre les ennemis du dehors et pour assurer au dedans le maintien de l’ordre et l’exécution des lois.

Art. 185. L’armée est essentiellement obéissante nul corps armé ne peut délibérer.

Art. 186. L’armée sera réduite au pied de paix et son contingent est voté annuellement.

La loi qui le fixe n’a de force que pour un an, si elle n’est pas renouvelée.

Nul ne peut recevoir de solde, s’il ne fait partie de ce contingent.

Art. 187. Le mode de recrutement de 1’armée est déterminé par la loi.

Elle règle également l’avancement, les droits et les obligations des militaires.

Il ne pourra jamais être créé de corps privilégié.

Art. 188. L’organisation et les attributions de la gendarmerie font l’objet d’une loi.

Art. 189. La garde nationale est placée, sous l’autorité immédiate des Comités Municipaux. Elle est organisée par une loi.

Tous les gradęs sont électifs et temporaires.

Art. 190. La garde nationale ne peut être mobilisée en tout ou en partie, que dans les cas prévus par la loi.

Art. 191. Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi.

Titre VI

Dispositions générales

Art. 192. Les couleurs nationales sont le bleu et le rouge placés horizontalement.

Les armes de la République sont le palmiste, surmonté du bonnet de, la liberté, et orné d’un, trophée d’armes, avec la légende: l’union fait la force.

Art. 193. La ville du Port-Républicain (ci-devant Port-au-Prince) est la capitale de la République Haïtienne, et le siège du gouvernement.

Art. 194. Aucun serment ne peut’ être imposé qu’en vertu de la loi. Elle en détermine la formule.

Art. 195. Tout étranger qui se trouve sur le territoire de, la République, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 196. La loi établit un système uniforme de poids et mesures.

Art. 197. Les fêtes nationales sont: celle de l’Indépendance d’Haïti, le l.er janvier; celle de l’agriculture, le 1.er mai: celle d’Alexandre Pétion le 2 avril; celle de la régénération, le 27 janvier de chaque année.

Art. 198. Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration publique, n’est obligatoire, qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.

Art. 199. Aucune place, aucune partie du territoire ne peut être déclarée en état de siège que dans les cas d’invasion imminente ou effectuée de la part d’une force étrangère, ou de troubles civils. Dans le premier cas, la déclaration est faite par le Président de la République. Dans le second cas, elle ne peut l’être que par une loi, à moins que les Chambres ne soient pas assemblées. Le cas arrivant, le Président les convoque à l’extraordinaire et leur soumet, par un message, l’acte déclaratif de l’état de siège.

La capitale ne peut; en aucun cas être mise en état de siège qu’en vertu d’une loi.

Art. 200. La Constitution ne peut être suspendue en tout ou en partie.

Elle est confiée au patriotisme et au courage de tous les citoyens.

Titre VII

De la révision de la constitution

Art. 201. Le Pouvoir Législatif, sur la proposition de l’une des Chambres a le droit de déclarer qu’il y a lieu à réviser telles dispositions constitutionnelles qu’il désigne.

Cette déclaration qui ne petit être faite que dans la dernière session d’une période de la chambre des communes, est publiée immédiatement, dans toute l’étendue de la République.

Art. 202. Si, à la session suivante, les deux Chambres admettent la révision proposée, elles se réunissent en Assemblée Nationale, et statuent sur les-points soumis à la révision.

Art. 203. L’assemblée nationale ne peut délibérer, si les deux tiers, au moins, des membres qui la composent ne sont présents.

Aucune déclaration ne peut être faite, aucun changement ne peut être adopté, qu’à la majorité des deux tiers des. suffrages.

Titre VIII

Disposition transitoires

Art. 204. Le président de là République sera élu pour la première fois par l’assemblée constituante.

Cette assemblée recevra son serment et l’installera dans ses fonctions.

Art. 205. L’assemblée constituante restera en permanence, et fera touts actes législatifs, jusqu’à la réunion des deux chambres.

Art. 206. Les assemblées primaires et électorales seront convoquées dans les plus brefs délais pour la formation des deux chambres.

Ces délais seront fixés par un décret de l’assemblée constituante.

Art. 207. Aussitôt que le pouvoir législatif sera constitua, l’assemblée constituante se déclarera dissoute.

Art. 208. La première session législative ne sera que de deux mois.

En cas de nécessité, elle pourra, néanmoins, être prolongée d’un mois.

Art. 209. Les tribunaux actuels et leur personnel sont maintenus jusqu’à ce qu’il y ait été, pourvu par une loi.

Art. 210. La présente constitution sera publiée et exécutée dans toute l’étendue de la République, toutes lois, décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, seront annulés.

Article unique

En conformité de l’article 204, le citoyen Charles Herard aîné (Riviére), ayant réunit la majorité des suffrages, est proclamé Président de la république haïtienne.

Il entrera en charge, immédiatement, pour en sortir le 15 de mai 1848.

 

Fait au Port-Républicain, le 30 décembre 1843, an 40.e de l’Indépendance d’Haïti, et le 1.er de la Régénération.

Adelson Douyon, Alcius Ponthieux, Franklin, Bazin, A. Larochel, A. Martin, Davezac, A. Clément, Bédainque, B. Jn. Simon, Valdès, B. Alexandre G., Ls.-Jh. Baille, Charles Picart, C. M. Westen, Corvoisier, Barjon fils, David St.-Px, Ax. Jte. Chanlatte, Mouras fils, David Troy, D. Benoit, P. Panayoti, D. Lespinasse, Dst. Ville Dautant, P. André, P. Beaufossé, D. Thézard, Chs. Devimeux, Fs. Dorville, Fx. Poisson, F. Donat, Nelcourt, F. Peralta, Prophète, G. Hipolite, Fbre. Geffrard, Salès, J. S. Hippolyte, Baugé, Aug. Elie, Juln. Latortue, Joseph Courtois, Mullery, B. A. Laborde, J. Paul, Jh. Magny, Fs. Acloque, Jh. François, Jn.-Ch. Junca, J. L. Santel, J. Saint-Amand, Dupérier, Jh. Oscar Laporte, Fontil Tesson, Modé fils, Pilorge, Dr. J. H. Fresnel, Lubérisse Barthelemy, Laudun, Lapice, L. Normil Dubois, Joseph-Alexandre Dupuy, Joseph Borelly, Montmorency Benjamin, Muzaine, M. Ambroise, M. Volel, M. B. Castellano, Miguel Antonio, Rojas, François Romain, Lherisson, Maximilien Zamor, P. Bergès, J. Népomucène Tejera, Pre. Ls. Osias, Tabuteau, B. A. Dupuy, P. Michel, Pre. Ain. Sthélé, Remigio del Castillo, T. A. Blanchet, V. Plésance, S. Simonisse, S. Paret, Saint-Aude fils, Torribio Lopez, Villanueva, Thomas Presse, E. Heurtelou, Villefranche, E. Manigat, M. Marsse, M. J. Charlot, F. Roché, Charles Alerte, Covin aîné, N. Félix, E. Nau, S. Hérard Dumesle, président; Louis B. Eusèbe, vice-président; Damier, Grandchamp fils, Vrigncaux, J. A. Gardère, secrétaires.

 

[1] Vérifiée sur la base du Constitution de la République Haitienne, Port-Républicain: s.n., 1843.