1848

Révision de 1848

LOI de la République d’Haïti, modifiant la Constitution du 14 Novembre, 1846. – Port-au-Prince, le 14 Décembre, 1848[1]

Attendu que l’expérience fait sentir les inconvénients des dispositions des Articles XV, LXXI, LXXII, CIV, CIX, CXV, CXIX, CXXIV, CXXVIII, CXXX, CXXXI, CXXXIII, CXXXIV, CXXXVI, CXXXVII, CXXXVIII, CXXXIX, CLXVI, CLXVII, CLXXXII, CLXXXIV de la Constitution;

Vu l’Article CLXXXVI de cette Constitution et la proclamation du Président d’Haïti, du 9 Avril dernier;

De l’avis du conseil des Secrétaires d’Etat provisoires;

Le Président d’Haïti a proposé, et le Corps Législatif, après avoir adopté l’urgence proposée par les organes du pouvoir-exécutif,

A admis la révision des susdits Articles, comme suit:

Art. XV. L’exercice des droits politiques est suspendu:

1.° Par l’état de banqueroutier simple ou frauduleux;

2.° Par l’état d’interdiction judiciaire, d’accusation ou de contumace;

3.° Par suite de condamnation judiciaire, emportant la suspension des droits civils;

4.° Par suite d’un jugement constatant le refus du service de la garde nationale.

La suspension cesse avec les causes qui y ont donné lieu.

Art. LXXI. Les fonctions de sénateur sont incompatibles avec toutes autres fonctions publiques, excepté celles de Secrétaire-Général, de Secrétaire d’Etat, de Grand-Juge, et celles d’agents de la République à l’étranger.

Néanmoins, un militaire peut être nommé sénateur: s’il accepte la charge, il cesse d’exercer toutes fonctions militaires, et doit opter entre l’indemnité de sénateur et celle de son grade.

Art. LXXII. Tout sénateur qui accepte, durant son mandat, la fonction de Secrétaire-Général, de Grand-Juge, et de Secrétaire d’Etat cesse dès lors de faire partie du Sénat, à moins que, présenté de nouveau comme candidat par le pouvoir exécutif, il ne soit réélu par la Chambre des Représentants.

Art. CIV. Les Chambres correspondent également avec le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat, et entre elles dans les cas prévus par la Constitution.

Art. CIX. Nul ne peut présenter en personne des pétitions aux Chambres.

Chaque Chambre a le droit de renvoyer au Secrétaire-Général, au Grand-Juge, et au Secrétaire d’Etat les pétitions qui lui sont adressées. Ces grands fonctionnaires peuvent être invités à donner des explications sur leur contenu, si la Chambre le juge convenable, à moins que, s’agissant de la politique du Gouvernement, ces grands fonctionnaires ne jugent ces explications données, même en comité général, compromettantes pour l’intérêt de l’Etat.

Art. CXV. Le Sénat se forme en haute-cour de justice pour juger les accusations admises soit contre les membres du corps législatif, soit contre le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, le Secrétaire d’Etat, et tous autres grands fonctionnaires publics.

La forme de procéder par-devant la haute-cour de justice sera déterminée par une loi.

Art. CXIX. En cas de vacance par mort, démission, ou déchéance du Président d’Haïti, le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat, réunis en conseil, exercent, sous leur responsabilité, le pouvoir-exécutif.

Si le Président se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, ces grands fonctionnaires, réunis en conseil, sont chargés de l’autorité exécutive, tant que dure l’empêchement.

Art. CXXIV. Le Président nomme et révoque le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat.

Il nomme et révoque également les agents de la République près les Puissances ou Gouvernements étrangers.

Art. CXXVIII. Le Président d’Haïti pourvoit, d’après la loi, à la sûreté extérieure et intérieure de l’Etat.

Toutes les mesures que prend le Président sont préalablement délibérées en Conseil du Secrétaire-Général, du Grand-Juge, et du Secrétaire d’Etat.

Art. CXXX. Aucun acte du Président ne peut avoir d’effet, s’il n’est contresigné ou par le Secrétaire-Général, ou par le Grand-Juge, ou par le Secrétaire d’Etat qui, par cela seul, s’en rend responsable.

Art. CXXXI. A l’ouverture de chaque session, le Président, par l’organe du Secrétaire-Général, du Grand-Juge, et du Secrétaire d’Etat, présente au Sénat et à la Chambre des Représentants, la situation générale de la République, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Art. CXXXIII. Il y a un Secrétaire-Général, un Grand-Juge, et un Secrétaire d’Etat qui sont chargés de la haute administration du pays et dont les départements sont fixés par l’arrêté portant leur nomination.

Les attributions de chaque département sont déterminées par la loi.

Art. CXXXIV. Le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat se forment en Conseil, sous la présidence du Président d’Haïti, ou de l’un d’eux, délégué par le Président.

Toutes les délibérations sont consignées sur un registre et signées par les membres du Conseil.

Art. CXXXVI. Les Chambres peuvent requérir la présence du Secrétaire-Général, du Grand-Juge, et du Secrétaire d’Etat, et les interpeller sur tous les faits de leur administration.

Ces grands fonctionnaires interpellés, sont tenus de s’expliquer, soit en séance publique, soit en comité général, à moins que, s’agissant de la politique du Gouvernement, ils ne jugent ces explications compromettantes pour l’intérêt de l’Etat.

Art. CXXXVII. Le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat sont respectivement responsables, tant des actes du Président d’Haïti qu’ils contresignent, que de ceux de leur département, ainsi que de l’inexécution des lois.

En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du Président, reçu par ces grands fonctionnaires, ne peut les soustraire à la responsabilité.

Art. CXXXVIII. La Chambre des Représentants a le droit d’accuser le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat. Si l’accusation est admise aux deux tiers des voix, ils sont traduits par-devant le Sénat qui, alors, se forme en Haute-Cour de Justice.

Art. CXXXIX. Le Secrétaire-Général, le Grand-Juge, et le Secrétaire d’Etat jouissent, chacun, d’un traitement annuel de 5,000 gourdes.

Des frais de tournée leur seront alloués par une loi.

Art. CLXVI. Le budget du Secrétaire-Général, du Grand-Juge, et du Secrétaire d’Etat est divisé en chapitres. Aucune somme allouée pour un chapitre ne peut être reportée au crédit d’un autre chapitre et employée à d’autres dépenses, sans une loi.

Art. CLXVII. Chaque année, les Chambres arrêtent:

  1. Le compte des recettes et dépenses de l’année ou des années précédentes avec distinction de chaque département;
  2. Le budget[5] général de l’Etat contenant l’aperçu des recettes et la proposition des fonds assignés pour l’année au Secrétaire-Général, au Grand-Juge, et au Secrétaire d’Etat.

Toutefois, aucune proposition, aucun amendement ne pourra être introduit à l’occasion du budget, dans le but de réduire ni d’augmenter les appointements des fonctionnaires publics et la solde des militaires, déjà fixés par des lois spéciales.

Art. CLXXXII. Les fêtes nationales sont: celle de l’Indépendance d’Haïti, le 1er Janvier; celle de Jean-Jacques Dessalines, le 2 Janvier; celle d’Alexandre Pètion, le 2 Avril; celle de l’Agriculture, le 1er Mai; et celle de Guerrier, le 30 Juin.

Les fêtes légales sont déterminées par la loi.

Art. CLXXXIV. Aucune place, aucune partie du territoire, ne peut être déclarée en état de siège que dans le cas de troubles civils ou dans celui d’invasion imminente ou effectuée de la part d’une force étrangère.

Cette déclaration est faite par le Président d’Haïti et doit être contresignée par le Secrétaire-Général, par le Grand-Juge, et par le Secrétaire d’Etat.

 

Cette déclaration est faite par le Président d’Haïti et doit être contresignée par le Secrétaire-Général, par le Grand-Juge, et par le Secrétaire d’Etat.

Les Secrétaires, Le Président du Sénat,
Philippeaux Fils. N. Pre. LOUIS.
P. F. Toussaint.  

Donné à la Chambre des Représentants, au Port-au-Prince, le 15 Décembre, 1848, an 45e, de l’indépendance d’Haïti.

Les Secrétaires, Le Président de la Chambre,
Blanchard. FS. JN.-JOSEPH.
Caseau Fils.  

Au nom de la République

Le Président d’Haïti ordonne que la loi ci-dessus du corps législatif, soit revêtue du sceau de la République, publiée et exécutée.

Donné au Palais National du Port-au-Prince, le 26 Décembre, 1848, an 45e de l’Indépendance.

Par le Président: SOULOUQUE.
Le Secrétaire d’Etat provisoire au Département de la Guerre et de la Marine, L. Dufrene.
Le Secrétaire d’Etal provisoire au Département de l’Intérieur et de l’Agriculture, L. Vaval.
Le Secrétaire d’Etat provisoire des Finances, du Commerce, et des Relations

Extérieures,

 

Salomon Jne.

Le Secrétaire d’Etat provisoire au Département de la Justice, de l’Instruction

Publique, et des Cultes,

 

J. B. Francisque.

 

[1] Based on British and Foreign State Papers, Vol. XXXVII, 1848-1849, Compiled by the Librarian and Keeper of the Papers, Foreign Office, London: Harrison and Sons, 1862 735-738.