1843 (draft)

Projet de Constitution d’Haïti (1843)

Projet de Constitution de la République Haïtienne[1]

Titre Ier

Du territoire de la République

Art. 1. L’île d’Haїti et les îles adjacentes qui en dépendent, forment le territoire de la République.

Art. 2. La République restera dans ses limites, et ne fera aucune entreprise pour étendre sa domination.

Art. 3. Le territoire d’Haїti est divisé en six départements.

Ces départements sont: le Sud, l’Ouest, l’Artibonite, le Nord, Cibao et Samana.

Néanmoins, il appartient à la loi de diviser, s’il y a lieu, le territoire en un plus grand nombre de départements.

Art. 4. Chaque département est subdivisé en cantons, chaque canton en communes.

Ces subdivisions ne peuvent être établies que par la loi.

Art. 5. Les limites des départements, des cantons et des communes, ne peuvent être changées ou rectifiées qu’en vertu d’une loi.

Titre II

Du droit public des Haїtiens

Art. 6. Sont haїtiens tous individus nés en Haїti et descendant d’africain ou d’indien.

Sont également haїtiens tous ceux qui, jusqu’à ce jour; ont été reconnus en cette qualité.

Art. 7. Tout africain ou indien et leurs descendants sont habiles à devenir haїtiens; mais ils ne seront admis à jouir des droits politiques, qu’après une année de résidence en Haїti.

Art. 8. Aucun autre individu que ceux désignés en l’article précédent, ne peut acquérir la qualité d’haїtien, ni posséder aucun immeuble en Haїti.

Art. 9. La jouissance, la perte et la suspension des droits politiques sont réglés par la loi civile.

Art. 10. L’exercice des droits civils est également réglé par la loi.

Art. 11. Il n’y a dans l’état aucune distinction d’ordres, ni de castes.

Art. 12. Les haїtiens sont égaux devant la loi.

Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

Art. 13. La liberté individuelle est garantie.

Chacun est libre d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, détenu ou exilé, que dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit.

Art. 14. Nul ne peut être distrait des juges que la constitution ou la loi lui assigne.

Art. 15. Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Art. 16. La maison de toute personne habitant le territoire haїtien est un asile inviolable.

Art. 17. Aucune loi ne peut avoir d’effet rétroactif.

La loi rétroagit toutes les fois qu’elle ravit des droits acquis.

Art. 18. La loi ne peut ajouter ni déroger à la constitution.

La lettre de la constitution doit toujours prévaloir.

Art. 19. La propriété est inviolable et sacrée.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 20. La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Art. 21. La peine de mort sera restreinte à certains cas déterminés par la loi.

Art. 22. Chacun a le droit d’exprimer ses opinions en toute matière, d’écrire, d’imprimer et de publier ses pensées.

Ce droit ne peut être restreint par aucune loi préventive ni fiscale.

Les abus de la presse sont définis par la loi, et réprimés par jugement de jurés.

Art. 23. Chacun a le droit de professer sa religion et d’exercer librement son culte, pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre public.

Art. 24. Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jour de repos.

Art. 25. L’établissement et la nomination des ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, sont réglés par la loi.

Art. 26. La liberté de l’enseignement est garantie.

Des écoles gratuites, de l’un et l’autre sexe, seront organisées dans chaque commune, et mises à la portée de toutes les classes de la société.

Les langues usitées dans le pays, seront enseignées dans ces écoles.

Les éléments des sciences, des belles-lettres et des beaux-arts, seront enseignés dans les hautes écoles.

Art. 27. Les haїtiens ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, même pour s’occuper d’objets politiques, es se conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.

Cette disposition ne s’applique point aux rassemblements dans les lieux publics, lesquels restent entièrement soumis aux lois de police.

Art. 28. Les haїtiens ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.

Art. 29. Le droit de pétition est exercé personnellement par un ou plusieurs individus, jamais au nom d’un corps.

Art. 30. Le secret des lettres est inviolable.

La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiés a la poste.

Art. 31. L’emploi des langues usitées en Haїti est facultatif y il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’autorité publique et pour les affaires judiciaires.

Art. 32. Nulle autorisation préalable n’es nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour fait de leur administration, sauf ce qui est statué à l’égard des secrétaires d’état.

Titre III

De la souveraineté et de l’exercice des pouvoirs qui en dérivent

Art. 33. La souveraineté nationale réside dans l’universalité des citoyens.

Art. 34. L’exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs électifs et temporaires.

Ces trois pouvoirs sont: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Art. 35. Chaque pouvoir s’exerce séparément. ─ Chacun d’eux est indépendant des deux autres dans ses attributions. ─ Aucun d’eux ne peut les déléguer ni sortir des limites qui lui sont fixées. ─ La responsabilité est attachée à chacun des actes des trois pouvoirs.

Art. 36. Le pouvoir législatif est exercé par deux chambres représentatives: Tribunat et un Sénat.

Elles statuent sur tons les objets d’intérêt public.

Art. 37. L’initiative appartient exclusivement à chacune des deux branches du pouvoir législatif.

Néanmoins, toute loi relative aux recettes ou aux dépenses de l’état, on au contingent de l’armée, doit d’abord être votée par le tribunat.

Art. 38. La loi prend date du jour qu’elle a été définitivement adoptée par les deux chambres.

Art. 39. L’interprétation des lois, par voie d’autorité, n’appartient qu’au pouvoir législatif.

Elle est donnée dans la forme d’une loi.

Art. 40. Les deux chambres de réunissent en congrès national, dans les cas prévus par la constitution.

Les pouvoirs du congrès sont limités, et ne peuvent s’étendre `d’autres objets que ceux lui sont spécialement attribués par la constitution.

Art. 41. Le pour exécutif est délégué à un magistrat, qui prend le titre de Président d’Haїti, et ne peut recevoir aucune autre qualification.

Art. 42. Les intérêts qui touchent exclusivement les communes, les cantons ou les départements sont réglés par des conseils territoriaux, d’après les principes établis par la constitution.

Art. 43. Le pourvoir judiciaire est exercé par un tribunal de cassation, des tribunaux de paix.

Les arrêts et jugements sont exécutés au nom de la République. Ils portent un mandement aux officiers du ministère public et aux agents de la force publique.

Les arrêts et jugements sont exécutés au nom de la République. Ils portent un mandement aux officiers du ministère public et aux agents de la force publique.

Art. 44. Les actes des notaires sont mis dans la même forme, lorsqu’il s’agit de leur exécution forcée.

Chapitre Ier

Du pouvoir législatif

Section Ire

Du Tribunat

Art. 45. Le tribunat se compose des représentants du peuple, dont le nombre est fixé par la loi, à raison de la population des communes.

Art. 46. Jusqu’à ce que l’état de la population soit établi et que la loi ait fixé le nombre des tribuns du peuple, ce nombre est réglé ainsi qu’il suit, savoir:

Trois pour la capitale de la République, deux pour chaque chef-lieu de département et un pour chaque commune.

Art. 47. Les tribuns du peuple sont élus par les électeurs des communes de chaque canton, réunis au chef-lieu, suivant le mode établi par la loi sur les assemblées primaires et électorales.

Art. 48. Tout citoyen, âgé de 21 ans et payant un impôt quelconque, a le droit de voter dans les assemblées primaires.

Nul ne peut être électeur s’il a moins de 25 ans, et s’il n’est propriétaire, ou n’exerce un emploi public, une profession ou une industrie quelconque.

Les électeurs sont nommés pour quatre ans.

Le nombre en est déterminé par la loi.

Art. 49. Pour être élu tribun, il faut:

1.° Etre âgé de 25 ans accomplis:

2.° Jouir des droits civils et politiques:

3.° Etre propriétaire d’immeubles en Haїti:

4.° Etre domicilié dans la République.

Art. 50. Les tribuns sont élus pour trois ans.

Leur renouvellement se fait intégralement.

Art. 51. Pendant la durée de la session législative, chaque tribun reçoit du trésor public, une indemnité de 200 gourdes par mois.

Section 2

Du Sénat

Art. 52. Le sénat se compose de vingt-quatre députés du peuple, á raison de quatre par chaque département.

Ce nombre serait augmenté proportionnellement, si le territoire était divisé en plus de six départements.

Art. 53. Les sénateurs sont élus par les électeurs des communes de chaque département, réunis au chef-lieu, suivant le mode établi par la loi électorale.

Art. 54. Les sénateurs sont élus pour six ans.

Leur renouvellement se fait par tiers tous les deux ans de la manière déterminée par la loi électorale.

Art. 55. Pour être élu sénateur, il faut:

1.° Etre âge de 30 ans accomplis:

2.° Jouir des droits civils et politiques:

3.° Etre propriétaire en Haїti, ou avoir rempli des fonctions civiles ou militaires:

4.° Etre domicilié en Haїti.

Art. 56. Le vice-président d’Haїti préside le sénat; mais il n’a droit de voter que lorsqu’il y a partage d’opinions.

Art. 57. En cas de mort, démission ou déchéance d’un sénateur, il est pourvu á son remplacement pour le temps seulement qui reste á courir.

Art. 58. Un sénateur qui a rempli ses fonctions pendant trois ans ou plus, ne peut être réélu qu’après u intervalle de deux ans.

Art. 59. Chaque sénateur reçoit du trésor public, une indemnité de 400 gourdes par mois, pendant la durée de la session.

Art. 60. Le sénat ne peut s’assembler hors du temps de la session du corps législatif, sauf le cas prévu par l’art. 110.

Section 3

Du Congrès

Art. 61. A la fin de chaque session annuelle, le tribunat et le sénat se réunissent, s’il y a lieu, en congrès national.

Art. 62. Le président du sénat président: les secrétaires du sénat et du tribunat sont les secrétaires du congrès.

Art. 63. Les attributions du congrès sont:

1.° De nommer le président et le vice-président d’Haїti:

2.° De déclarer la guerre, sur le rapport du pouvoir exécutif, de régler les représailles, et de statuer sur tous les cas relatifs à la guerre:

3.° D’approuver ou rejeter les traités de paix, d’alliance et de commerce, consentis par le pouvoir exécutif:

4.° De statuer sur les recours en grâce ou en commutation de peines, sur la recommandation du pouvoir exécutif:

5.° De réviser la constitution, lorsque le corps législatif a déclaré qu’il y avait lieu de le faire.

Section 4

De l’exercice du pouvoir législatif

Art. 64. Le siége du corps législatif est fixé au Port Républicain. Chaque chambre a son local particulier, sauf le cas de la réunion des deux chambres en congrès.

Art. 65. Le corps législatif s’assemble de plein droit, chaque année, le premier lundi d’avril.

Sa session est de trois mois, mais il peut la proroger en cas de nécessité. Chaque chambre adresse un message au pouvoir exécutif, pour lui en annoncer l’ouverture ou la prorogation.

Art. 66. Dans l’intervalle des sessions et en cas d’urgence, le pouvoir exécutif peut convoquer les chambres et le congrès à l’extraordinaire.

Il leur rend compte alors de cette mesure, par un message.

Art. 67. En cas de vacance de l’office de président d’Haїti, le congrès est tenu de se réunir dans les vingt jours, au plus tard.

Art. 68. Les membres du corps législatif représentent la nation entière.

Art. 69. Les séances des cambres et du congrès sont publiques.

Néanmoins, chaque assemblée se forme en comité secret, sur la demande de cinq membres.

L’assemblée décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

Art. 70. Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres, et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet.

Art. 71. Les membres de chaque chambre prêtent individuellement le serment de maintenir le droits du peuple et d’être fidèles à la constitution.

Art. 72. On ne peut être à la fois membre des deux chambres.

Art. 73. Le tribun ou le sénateur, nommé par le pouvoir exécutif à un emploi salarié, qu’il accepte, cesse immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection.

Art. 74. Chacune des chambres, pendant la session, renouvelle chaque mois son président, son vice-président et ses secrétaires.

Toutefois, le sénat ne nommé son président qu’en cas d’absence du vice-président d’Haïti, ou lorsque celui-ci exerce les fonctions de président d’Haïti.

Art. 75. Aucune des deux chambres ne peut prendre de résolution, qu’autant que les deux tiers de ses membres se trouvent réunis.

Art. 76. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf les cas prévus par la constitution.

Art. 77. Les votes sont émis par assis et levé, et par la voie du scrutin secret, si trois membres de l’assemblée le réclament.

L’ensemble des lois est toujours voté au scrutin secret.

Art. 78. Chaque chambre a le droit d’enquête sur tous les objets à elle attribués.

Art. 79. Un projet de loi ne peut être adopté par l’une des chambres, qu’après avoir été volé article par article.

Art. 80. Chaque chambre a le droit d’amender et de diviser les articles et les amendements proposés.

Art. 81. L’n projet de loi rejeté par l’une des chambres ne peut être reproduit dans la même session.

Art. 82. Les ´procès-verbaux de chacune des chambres sont imprimés.

Art. 83. Les lois sont rendues officielles par la voie d’un bulletin imprimé et numéroté, ayant pour titre Bulletin des lois.

Art. 84. Nul ne peut présenter en personne des pétitions aux chambres.

Chaque chambre a le droit de renvoyer aux secrétaires d’état, les pétitions qui lui sont adressées. Les secrétaires d’état sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que la chambre l’exige.

Art. 85. Les membres du corps législatif sont inviolables.

Ils ne peuvent, en aucun temps, être poursuivis et attaqués pour les opinions ou les voles par eux émis dans l’exercice de leurs fonctions.

Art. 86. Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre du corps législatif, pendant la session, et dans le mois qui l’aura précédé ou suivi.

Art. 87. Durant la session des chambres, nul de leurs membres ne peut être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, correctionnelle ou de police, sauf le tas de flagrant délit, si ce n est après que ta chambre à laquelle il appartient a autorisé la poursuite.

S’il est saisi, en cas de flagrant délit, il en est référé à la chambre sans délai.

Art. 88. En matière criminelle, tout membre du corps législatif est mis en état d accusation par la chambre dont il fait partie, et jugé par le tribunal de cassation, sections réunies.

Art. 89. Chaque chambre, par sou reglement, fixe sa discipline, et détermine le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Art. 90. Aucun corps de troupes ne peul, pétulant la session législative, séjourner dans la distance de 15 lieues du lieu où siège le corps législatif, si ce n’est sur sa réquisition ou avec son consentement.

Chapitre II

Du pouvoir exécutif

Section 1re

Du président cl du vice-président

Art. 91. Le président et le vice-président d’Haïti sont élus pour quatre ans.

Art. 92. L’élection n’a lieu qu’autant que les deux tiers an moins des membres qui composent le congrès sont présents, et qu’elle réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Art. 93. Pour être élu président ou vice-président, il faut être né en Haïti, et avoir atteint I âge de 35 ans.

Art. 94. Nul ne peut être réélu président ou vice-président, qu’après un intervalle de quatre ans.

Art. 95. Le vice-président remplace le président, en cas de mort, démission ou déchéance, pour le temps qui reste à courir.

Si le président se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses fondions, le vice-président le remplace tant que dure l’empêchement.

Art. 96. Avant d’entrer en fonction, le président et le vice-président prêtent, devant le congrès, le serment suivant:

“Je jure d’observer la constitution et les lois du peuple haïtien, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire.”

Art. 97. Le président fait sceller les lois du sceau de la République, et les fait promulguer dans les trois jours après leur réception.

Il fait également sceller et promulguer, dans le même délai, les actes et décrets du congrès.

Art. 98. Il est chargé de faire exécuter les lois, actes et décrets du corps législatif ri du congrès

Il fait tous réglements et arrêtes nécessaires à cet effet, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois, actes et décrets eux-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Art. 99. Le président nomme et révoque les secrétaires d’état.

Art. 100. Il confere les grades dans l’armée, et commande les forces de terre et de mer.

Art. 101. Il nomme aux emplois d’administration générale et de relation extérieure, aux conditions établies par la loi.

Il ne nomme à ‘d’autres emplois ou fonctions publiques, qu’en vertu de la constitution ou de la disposition expresse d’une loi et aux conditions qu’elle prescrit.

Art. 102. Il fait les traites de paix, d’alliance et de commerce, sauf la sanction du congrès.

Art. 103. Le président peut, en tout temps, inviter par écrit l’une ou l’autre chambre à prendre un objet en considération: il peul même préparer des projets de lois qu’il recommande à leur initiative.

Art. 104. Toutes les mesures que prend le président sont préalablement délibérées en conseil.

Art. 105. Aucun acte du président ne peut avoir d’effet, s’il n’est contre-signé par un secrétaire d état, qui, par cela seul, sien rend responsable.

Art. 106. Le président est responsable de tous les abus d’autorité et excès de pouvoir qui se commettent dans son administration.

Art. 107. II n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formel liment la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution.

Art. 108. A I ouverture de chaque session, le président, par un message, rend compte au tribunat de sou administration pendant l’année expirée, et présente la situation générale de la République, tant à I intérieur qu’à l’extérieur.

Art. 109. Le tribunat examine la conduite du président, et a le droit de le décréter d’accusation, en tas de malversation ou de trahison.

Art. 110. Si I accusation est admise, le président est jugé par le sénat.

Aucune condamnation ne peut être prononcée qu’aux deux tiers des membres composant le sénat.

Art. 111. Le président ne peut avoir de garde particulière.

Art. 112. Il reçoit du trésor public, un traitement de 24,000 gourdes par an.

Art. 113. Le traitement du vice-président est de 12,000 gourdes, aussi par an.

Section 2

Des secrétaires d’état

Art. 114. Il y a quatre secrétaires d’état dont les départements sont:

1.° L’intérieur et l’agriculture;

2.° La justice, l’instruction publique et les cultes;

3.° Les finances et le commerce;

4.° Les relations extérieures, la guerre et la marine.

Art. 115. Nul ne peut être secrétaire d’état, s’il n’est âgé de 30 ans.

Art. 116. Aucun parent ou allié du président, jusqu’au degré de cousin germain, ne peut être secrétaire d’état.

Art. 117. Les secrétaires délai se forment en conseil, sous la présidence du président ou du vice-président d’Haïti.

Un secrétaire général tient registre de toutes les délibérations.

Art. 118. Les secrétaires d’état correspondent immédiatement avec les autorités qui leur sont subordonnées.

Art. 119. Ils ont leur entrée dans chacune des chambres, et doivent être entendus quand ils le demandent.

Les chambres peuvent requérir la présence des secrétaires délai, et les interpeller sur tous les fails de leur administration.

Art. 120. Les secrétaires d’état sont respectivement responsables tant des actes du président qu’ils contre-signent, que de ceux de leur département, ainsi que de l’inexécution des lois.

En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du président ne peut soustraire un secrétaire d’état à la responsabilité.

Art. 121. Le tribunat a le droit d’accuser les secrétaires d’état et de les traduire devant le tribunal de cassation, qui seul a le droit de les juger, sections réunies.

Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger aux secrétaires délai et le mode de procéder contre eux, sur l’accusation admise par le tribunal.

La même loi statuera quant à l’exercice de l’action civile par la partie lésée, et aux crimes et délits par eux commis hors l’exercice de leurs fonctions.

Art. 122. Chaque secrétaire d’état jouit d’un traitement annuel de 6,000 gourdes.

Section 3

Des institutions départementales, cantonales et communales

Art. 123. Chaque département a, pour chef d’administration, un Préfet; chaque canton un Sous-Préfet; chaque commune un Maire.

Les attributions de ces fonctionnaires sont à la fois civiles et financières.

Les préfets et les sous-préfets sont nommés par le président d’Haïti.

Art. 124. Il est établi, savoir:

Un conseil-général par chaque département;

Un conseil par chaque canton;

Un comité municipal par chaque commune. Chaque conseil ou comité est présidé par le chef d’administration, avec voix délibérative.

Art. 125. Ces institutions sont réglées par les lois. Ces lois consacrent l’application des principes suivants:

1.° L’élection directe pour les comités municipaux;

2.° L’élection à deux degrés pour les conseils cantonaux et les conseils-généraux;

3.° L’attribution aux comités et conseils de tout ce qui est d’intérêt communal, cantonal et départemental, sans préjudice de l’approbation de leurs actes, dans les cas et suivant Je mode que la loi détermine;

4.° La publicité des séances des comités et des conseils dans les limites établies par la loi;

5.° La publicité des budgets et des comptes;

6.° L’intervention du président d’Haïti ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les comités et les conseils ne sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général.

Art. 126. La rédaction des actes de l’état civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales.

Chapitre III

Du pouvoir judiciaire

Art. 127. Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Art. 128. Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 129. Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu’en vertu d’une loi.

Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit.

Art. 130. II y a, pour toute la République, un tribunal de cassation, composé de deux sections, au moins.

Son siège est au Port-Républicain.

Art. 131. Ce tribunal ne connaît pas du fond des affaires, sauf le jugement des membres du corps législatif et des secrétaires d’état.

Lorsqu’après deux arrêts de cassation, la même question se présentera une troisième fois, entre les mêmes parties, le tribunal de cassation déclarera qu’il y a lieu à interprétation de la loi, et suspendra sa décision.

La question sera soumise au corps législatif, et le tribunal de cassation, dans l’arrêt définitif, se conformera à la loi interprétative.

Art. 132. Chaque commune a un tribunal de paix.

Un tribunal de première instance est institué pour un ou plusieurs cantons.

Il y a quatre tribunaux d’appel.

La loi détermine le ressort des tribunaux de première instance et d’appel, et les lieux où ils sont établis.

Art. 133. Les juges sont nommés par le tribunal, sur des listes triples de candidats, présentés savoir:

Par les comités municipaux, pour les tribunaux de paix; Par les conseils cantonaux, pour les tribunaux de première instance;

Par les conseils-généraux, pour les tribunaux d’appel; Et par le sénat, pour le tribunal de cassation.

Art. 134. Les juges sont nommés pour cinq ans. Ils sont toujours rééligibles.

Aucun juge, pendant la durée de ses fonctions, ne peut être destitué ni suspendu que par un jugement.

Art. 135. Le président d’Haïti nomme et révoque les officiers du ministère public près des tribunaux de première instance, d’appel et de cassation.

Art. 136. Eu cas d’urgence, dans l’intervalle des sessions législatives, le président pourra nommer aux places vacantes de juges; mais les commissions qu’il délivrera à cet effet, expireront à la fui de la session prochaine.

Art. 137. — Les membres du tribunal de cassation reçoivent un traitement annuel, ainsi fixé:

1.° Le doyen, 3,000 gourdes;

2.° Chaque juge, 2,400 gourdes:

3.° Le commissaire du pouvoir exécutif, 3,400 gourdes:

4.° Chaque substitut du commissaire du pouvoir exécutif, 2,000 gourdes.

Le traitement des autres juges et officiers du ministère public est fixé par la loi.

Art. 138. Aucun juge ne peut accepter du pouvoir exécutif des fonctions salariées, à moins qu il ne les exerce gratuitement, et sauf les cas d’incompatibilité déterminés par la loi.

Art. 139. II y a des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elie régir leur organisa Itou, leurs attributions, le mode d’élection de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

Art. 140. Des lois particulières règlent l’organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, 1rs droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions.

Art. 141. Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public et les bonnes mœurs: dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

En matière de délits politiques et de presse, le huis clos ne peut être prononcé qu’à l’unanimité.

Art. 142. Tout arrêt ou jugement est motivé. II est prononcé en audience publique.

Art. 143. Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques et de la presse.

Art. 144. Le tribunal de cassation prononce sur les conflits d’attributions, d’après le mode réglé par la loi.

Art. 145. Les tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux d’administration publique, qu’autant qu’ils seront conformes aux lois.

Titre IV

Des finances

Art. 146. Aucun impôt an profil de l’état, ne peut être établi que par une loi.

Aucune charge, aucune imposition, soit départementale, soit cantonale, soit communale, ne peut être établie que du consentement respectif du conseil-général du département, du conseil cantonal, ou du comité municipal de la commune.

La loi détermine les exceptions dont l’expérience démontrera la nécessite,, relativement aux impositions départementales, cantonales et communales.

Art. 147. Les impôts au profit de l’état, sont votés annuellement.

Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un au, si elles ne sont pas renouvelées.

Art. 148. Il ne peut être établi de privilège eu matière d’impôts.

Nulle exception ou modération d impôt ne peut être établie que par une loi.

Art. 149. Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens, qu’à titre d’impôt au profil de l’état, du département, du canton ou de la commune.

Art. 150. Aucune pension, aucune gratification à la charge du trésor public, ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi.

Art. 151. Le budget de chaque secrétairerie d’état est divisé en chapitres; aucune somme allouée pour un chapitre ne peut être reportée au crédit d’un autre chapitre, et employée à d’autres dépenses sans une loi.

Art. 152. Chaque année, les chambres arrêtent

1.° le compte des recel les et dépenses de l’année, ou des années précédentes, avec distinction de chaque département:

2.° le budget général de l’état, contenant l’apperçu des recettes, et la proposition des fonds assignés pour l’année à chaque secrétairerie d’étal.

Art. 153. Las membres de la chambre des comptes sont nommés par le tribunal cl pour le terme fixé par la loi. Cette chambre est chargée de l’examen cl de la liquidation des comptes de l’administration générale el de tous comptables envers le trésor public Elle veille à ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé, et qu’aucun transfert n’ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l’état, cl est chargée de recueillir à tel effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’état est soumis aux chambres, avec les observations de la chambre des comptes.

Cette chambre est organisée par une loi.

Titre V

De la force publique

Art. 154. Le contingent de l’armée est voté annuellement;

La loi qui le fixe n’a de force que pour un an, si elle n’est pas renouvelée.

Art. 155. Le mode de recrutement de l’armée est déterminé par la loi.

Elle règle également l’avancement, les droits et les obligations des militaires

Art. 156. L’organisation et les attributions de la gendarmerie font l’objet d’une loi.

Art. 157. II y a une garde nationale, placée sous l’autorité immédiate des comités municipaux, et préposée au maintien de l’ordre el de la tranquillité publique. Elle est organisée par la loi.

Tous les grades sont électifs et temporaires.

Art. 158. La garde nationale ne peut être mobilisée, en tout ou en partie, qu’en vertu d’une loi.

Art. 159. Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades et honneurs que de la manière déterminée par la loi.

Titre VI

Dispositions générales

Art. 160. Les couleurs nationales sont rouge et bleue, placées horizontalement.

Les armes de la République sont le palmiste, surmonté du bonnet de la liberté et orné d’un trophée d’armes.

Art. 161. La ville du Port-Républicain (ci-devant Port-au-Prince) est la capitale de la République Haïtienne, et lé siége du gouvernement.

Art. 162. Aucun serment ne peut être imposé qu’en vertu de la loi. Elle en détermine la formule.

Art. 163. Tout étranger, qui se trouve sur le territoire de la République, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 164. La loi établit un système uniforme de poids et mesures.

Art. 165. Elle règle également le titre, le poids, la valeur, l’empreinte et la dénomination des monnaies.

L’effigie ne peut être que celle de la République;

Art. 166. Il ne peut jamais être créé de papier-monnaie ayant cours forcé, sauf ce qui peut être statue à l’égard des banques autorisées par la loi.

Art. 167. Les fêtes nationales sont instituées par la loi.

Art. 168. Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration publique, n’est obligatoire, qu’après avoir été publié dans ta forme déterminée par la loi.

Art. 169. Aucune place, aucune partie du territoire ne peut être déclarée en état de siège que dans le cas d’invasion imminente ou effectuée de la part d’une force étrangère, ou de troubles civils. Dans le premier cas, la déclaration est faite par le président d’Haïti. Dans le second cas, elle ne peut l’être que par une loi, h moins que les chambres ne soient pas assemblées. Le cas arrivant, le président les convoque à l’extraordinaire, et leur soumet, par un message, l’acte déclaratif de l’état de siège.

La capitale ne peut, en aucun cas, être mise en état de siége qu’en vertu d’une loi.

Art. 170. La constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie.

Elle est confiée au patriotisme et au courage de tous les citoyens.

Titre VII

De la révision de la constitution

Art. 171. Après un délai de huit années, le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu’il y a lieu à la révision de telles dispositions constitutionnelles qu’il désigne.

Cette déclaration faite, les deux chambres sont dissoutes de plein droit.

Art. 172. La déclaration fixera le délai dans lequel il sera procédé à de nouvelles élections, en conformité des art. 47 et 53.

Art. 173. Les nouvelles chambres se réuniront en congrès, et statueront sur les points soumis à la révision.

Le congrès ne pourra délibérer, si les deux tiers au moins des membres qui le composent ne sont présents; et nul changement ne sera adopté, s’il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Art. 174. Sa mission terminée, le congrès fixe le délai dans lequel de nouvelles élections seront faites, et se déclare dissons.

Titre VIII

Dispositions transitoires

Art. 175. Les assemblées primaires et électorales seront convoquées dans les plus brefs délais, afin de mettre à exécution la présente constitution.

Ces délais seront fixés par un décret du gouvernement provisoire; et il sera procédé, pour cette fois, à l’élection des tribuns et des sénateurs, en vertu des décrets des 15 avril et 11 juillet 1843.

Art. 176. Le gouvernement provisoire continuera ses fontions jusqu’à l’installation du pouvoir exécutif.

Art. 177. Jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par une loi, le tribunat aura un pouvoir discrétionnaire, pour accuser un secrétaire d’état, et le tribunal de cassation pour le juger, en caractérisant le délit et en déterminant la peine.

Néanmoins, la peine ne pourra excéder celle de la réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les lois pénales.

Art. 178. Les tribunaux et leur personnel sont maintenus tels qu’ils existent actuellement, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu par une loi.

Cette loi devra être portée pendant la première session législative.

Art. 179. A compter du jour de l’installation du pouvoir exécutif, la présente constitution est exécutoire, et toutes les lois, décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés.

Dispositions supplémentaires

Art. 180. L’Assemblée constituante déclare qu’il est nécessaire de pourvoir, par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants:

1.° L’organisation du système électoral;

2.° Les finances;

3.° L’organisation des institutions départementales, cantonales et communales;

4.° La responsabilité des secrétaires d’état et autres agents du pouvoir;

5.° L’organisation judiciaire;

6.° L’application du jury aux délits de la presse;

7.° La fixation du contingent de l’armée, son organisation, et le code pénal militaire;

8.° L’instruction publique et la liberté de l’enseignement;

9.° Le révision des codes.

Par un membre de l’Assemblée constituante.

10 octobre 1843.

 

[1] Based on Projet de Constitution, 10 octobre 1843, s.l.: s.n., [1843?], 1-13.